Une femme en contre-jour – Gaëlle Josse

Il n’y a pas eu d’article mercredi dernière tout simplement parce que je voulais continuer sur ma lancée du #marsauféminin et des articles « une femme par une femme » que j’ai commencé pour l’occasion. Sauf que voilà… La semaine dernière malgré toutes mes lectures je n’en avais pas… Et puis grâce au site Netgalley et aux éditions Noir sur Blancj’ai pu obtenir le dernier roman de Gaëlle Josse. D’après ce que l’on m’a dit, c’est une autrice assez connue mais le petit poisson perdu dans le monde du livre que je suis ne navigue ces dernières années que dans les eaux de la jeunesse et je n’en avais jamais entendu parler. Alors, on va faire tout comme si cet article était sorti mercredi, et qu’on était pas encore en avril et…

Moi qui fait une syncope devant la vitesse du temps qui passe

De quoi ça parle ? Son dernier roman a pour sujet une femme étonnante, une femme mystérieuse, une de ces femmes dont l’histoire est aussi passionnante que son œuvre : Vivian Maier. Je vous avais déjà parlé du reportage diffusé par Arte, Finding Vivian Maier (À la recherche de Vivian Maier en français).

(Sachez d’ailleurs que s’il n’est plus visionnable sur Arte, il a été mis en ligne par Netflix pour certains pays. Espérons bientôt en France !)

Passionnée par la photo depuis mon adolescence, même si je m’y consacre beaucoup moins ces dernières années, j’ai été complètement happée par l’œil de cette photographe de génie. Et quand j’ai vu qu’un roman sur sa vie avait été publié, je n’ai pas hésité une seule seconde.

Néanmoins, le texte de Gaëlle Josse m’a laissé dubitative.

C’est effectivement passionnant de suivre, à travers sa plume, toute l’histoire de cette femme, car le travail de documentation est réel : Gaëlle Josse remonte des origines (des grands-parents immigrés jusqu’au couple brisé que formaient ses parents) afin d’éclairer la vie et l’œuvre de l’artiste et met en lumière les zones d’ombres laissées par le documentaire. On comprend mieux les obsessions et les incohérences de cette femme qui a finalement passé sa vie à observer celleux qui, comme elle, étaient laissé.e.s pour compte, les invisibles, les sans-famille, à regarder le monde à travers son appareil photo, et laisser une trace de ces détails que nous ne voyons plus.

Gaëlle Josse compare d’ailleurs, à la fin du roman, Vivian Maier à Mary Poppins. Il y a dans cette figure de garde d’enfants secrète mais qui cachait en elle un immense trésor, quelque chose de terriblement Poppins et romanesque. Femme à la fois enchanteresse des images et sorcière au caractère versatile, décrite par celleux qui l’ont connu comme une femme drôle, parfois cruelle, obsessionnelle et fidèle, exploratrice mais vivant dans une profonde solitude… Tout cela est très bien retranscrit et analysé par Gaëlle Josse.

Malgré tout, certaines choses m’ont dérangée. Le style, déjà. C’est vrai que je n’ai plus l’habitude de lire des romans « adultes » et cet étalage de figures de style m’a lourdé. Tout n’est que comparaisons, métaphores et accumulations, dans un rythme ternaire. Je vois le travail sur la langue mais il ne fait pas résonance en moi. J’ai la sensation que l’autrice en fait trop. Trop de mélancolie, trop de nostalgie, trop de regrets, peut-être, de ne pas en savoir plus ?

Et cela m’amène à l’autre problème. La distanciation que cela crée. On a l’impression qu’avec cette biographie, Gaëlle Josse s’essaie plus à un exercice de style qu’à réellement s’arrêter sur l’œuvre de cette artiste. Elle met trop d’elle même dans la vie de la photographe pour que l’on saisisse suffisamment le personnage. Elle fait des hypothèses mais y met bien trop de sentiments, de cœur, de poésie même, comme si elle voulait absolument persuader le/la lecteur·rice… mais de quoi au juste ?

À la fin du livre, elle évoque d’ailleurs les difficultés, les écueils auxquelles elle aurait pu être confrontée à l’écriture. Et tous ces écueils qu’elle cite je les ai, pour la plupart, malheureusement retrouvés à la lecture… En racontant l’histoire de Vivian Maier, c’est finalement son écriture que Gaëlle Josse analyse. Et pour tout vous dire, ce n’était pas du tout ce que je voulais lire.

Peut-être ce livre plaira-t-il aux fans de Gaëlle Josse, aux passionné.e.s de biographies romancées ou à celleux qui voudraient en savoir plus sur Vivian Maier. Pour les autres, j’enjoins à la patience ou à mettre la main (si vous le pouvez) sur le documentaire de John Maloof et Charlie Siskel. Ce dernier a certes ses zones d’ombres mais permet, grâce à l’image (autre chose manquant cruellement à ce roman) de se rendre compte de l’étendu du talent de Vivian Maier.

Allez, pour le plaisir des yeux.

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