L’écorce des choses – Cécile Bidault

C’est les 48H de la BD ! L’occasion de mettre en avant nos bande-dessinées préférées !

Pendant ces deux jours, vous avez la possibilité de retrouver une sélection de plusieurs bande-dessinées, en tirage limité, dans les librairies participantes et au prix de 2€. Le but de l’opération est à la fois de fêter la BD, en France et en Belgique, deux pays phares pour le 9ème art, mais également de démocratiser la lecture en la rendant accessible à tous et à toutes le temps de ces deux jours. Du coup, pour fêter ça, aujourd’hui et demain, je vous parle de deux BD qui m’ont fortement marquée !

Aujourd’hui donc, laissez-moi vous parler de L’Écorce des Choses, un roman graphique de Cécile Bidault, publié par les éditions Warum en 2017 et lauréat du Prix Artémisia Avenir 2018 (le prix qui récompense les jeunes talents féminins de la BD).

Qu’est-ce que ça raconte ? C’est l’histoire d’une petite fille atteinte de surdité, qui déménage à la campagne avec ses parents. Ça , ce sont les éléments textuels qui nous sont donnés dans les premières pages. Pour le reste, on ne peut que deviner : deviner la colère de cette petite fille qui cherche à s’exprimer mais qui ne peut pas le faire comme les autres. Deviner la tension qui règne entre elle et ses parents, démunis, mais aussi dans ce couple qui a du mal à tenir bon face aux colères de leur enfant. Deviner les jeux de l’enfance, deviner les peurs, les rêves et finalement, le handicap, à hauteur d’enfant.

Pourquoi je vous en parle ?

Il faut savoir que l’histoire de cette petite fille sourde se déroule dans les années 70. Or, en France, la langue des signes a été interdite jusqu’en 1977. Avant cela, on préconisait aux parents d’apprendre à leurs enfants à parler par l’utilisation d’exercices d’orthophonie.

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Avec ce contexte historique (particulièrement violent pour les familles d’enfants sourds) on comprend mieux la tension qui règne dans cette toute petite famille un peu cassée. La bande-dessinée débute d’ailleurs sur une préface d’Élodie Hemery, directrice de l’institut national des jeunes sourds de Paris qui explique l’importance qu’à le projet à ses yeux et se termine sur un petit dossier explicatif qui revient sur un bref historique de la langue des signes, de son invention par l’Abbé de l’Épée, au 18ème siècle jusqu’aux différentes initiatives entreprises de nos jours (apprendre aux bébés à parler plus tôt grâce à elle par exemple).

La bande-dessinée ne comprend que très peu de lignes de texte, sur les premières pages seulement, pour donner un contexte au/à la lecteur·rice. Après cela, la BD est entièrement muette. Les sons sont représentés par de tout petits traits, qui symbolisent les vibrations que peut percevoir la petite fille. De cette manière, ce n’est plus à son héroïne de s’adapter au monde qui l’entoure mais aux lecteur·rice·s de se mettre au niveau. Personnellement, les bande-dessinées ou albums sans texte me plaisent particulièrement car ils font taire cette petite voix de lectrice de mots, que j’ai depuis que j’ai appris à lire silencieusement et je peux donc me concentrer entièrement sur les images et leurs symboliques.

*ouais, une voix dans ma tête, tout va bien !*

Cela permet aussi de briser les différentes frontières entre les âges car cette BD est tout autant accessible aux grand·e·s qu’aux petit·e·s !

Cécile Bidault a pris le parti de placer son lectorat à hauteur de son héroïne et de son handicap. De cette manière, elle arrive à l’introduire petit à petit dans l’univers poétique que se crée l’héroïne. Elle a ainsi toute la liberté d’explorer l’imaginaire de l’enfance, à travers celui d’une petite fille qui a du mal à communiquer avec le monde d’extérieur. Comment s’exprimer quand on ne peut pas parler ? Comment vivre le monde autour de nous quand on ne l’entend pas comme les autres ?

Une de mes séquences préférées montre cette petite fille proche d’un poste de radio, fermant les yeux, se laissant bercer par les vibrations de la musique. Plongée dans son monde, elle s’endort.

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Le monde que crée l’autrice est très beau, très poétique. Dans des pages très colorées, on oscille ainsi entre réalisme et onirisme. Un élément central apparaît d’ailleurs : l’arbre du terrain familial. Il permet à l’artiste de jouer sur la lumière, mais devient également la métaphore de la famille : solide, ancré sur ses racines et son histoire, il permet à la fin de l’album de les ouvrir à l’espoir d’une réconciliation.

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En arrière-plan, le problème de la difficulté de communiquer se dessine et devient un autre fil conducteur du récit : plus la tension entre les parents grandit, plus leur fille se renferme dans son monde imaginaire, dans lequel seul son petit voisin à le droit de pénétrer. Entre eux, le langage du jeu remplace l’oralité. La découverte de la langue des signes aussi, après le vol d’un livre sur les signes utilisés en plongée, permet à la jeune fille d’entrevoir une liberté d’expression qui lui était jusque-là interdite.

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Réalité et imaginaire se mêlent parfois si fort que le·la lecteur·rice ne sait plus les différencier.

La sensibilité et la poésie qui se dégagent de cette bande-dessinée m’ont vraiment bouleversée et je vous invite à y jeter un oeil dès que vous le pouvez.

Oh joie ! Sachez que l’autrice en a tiré un court-métrage qui est disponible sur Vimeo !

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